Disparus, pour un temps, la modernité des open spaces, les transports en commun, l'informatique...
Cette semaine, au lycée Jean Moulin, au Conseil général comme à la médiathèque de Plérin, où je me suis rendue pour une séance, tout le monde s'est retrouvé en 1909, dans la peau d'un Robert Walser de vingt ans, commis de bureau, attablé sous l'oeil de son chef et se grattant le cou.
Comment s'évader, mentalement, tout en restant assis sur sa chaise ? Par quelles contorsions peut-on se retrouver ailleurs, dans un champ de neige, un lit ou devant une foule à laquelle, soudain, on s'adresse ?
En s'appuyant sur quelques unes des gravures de Karl Walser, frère de Robert, illustrant le recueil de poèmes Au bureau, j'ai demandé aux participants d'écrire un texte à la première personne dans lequel le commis, qui s'ennuie, réussit à prendre la tangente tout en demeurant immobile. Quels rêves, désirs et souvenirs peuvent bien animer celui qui ne peut pas bouger, prisonnier de sa chaise comme du jugement d'autrui ?
On sait que Robert Walser commença à travailler à 14 ans et dut, dans sa jeunesse, exercer de nombreux métiers alimentaires pour pouvoir écrire. A ce propos, Charles Méla, directeur de la fondation Martin Bodmer, qui accueillit une exposition sur Walser en 2006, Territoire du crayon, écrit :
(...) lui, le poète, "prolétaire, aimerait-on dire", n'est pas broyé, il s'arrange plutôt de cette double vie, il tire son épingle du jeu de cette division, il est le laquais, le domestique, le commis, mais qui s'évade aussi bien, muse et musarde dans l'intervalle des moments où il est voué consciencieusement à la tâche de servir. Bref, il garde sa liberté de mouvement dans une existence de contraintes. Ainsi résume-t-il son humble vie, qui se partage entre un quotidien bureaucratique et l'école buissonnière, se composant à la fois "de travail de bureau et de paysage, d'air libre et de prison, de liberté et d'entraves, de strict accomplissement du devoir et d'agréables flâneries, promenades et vagabondages rouges, bleus ou verts".
Le texte des participants a été écrit partir de six gravures à disposer dans l'ordre qu'ils voulaient - sauf pour la première et la dernière, imposées.
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