ateliers d'écriture sur le thème de la tenue de travail, menés à Saint-Brieuc en septembre et octobre 2012
(les glaneuses détournées sont de Banksy)

mercredi 19 septembre 2012

Entrée à l'école primaire. 1958

Prendre des mesures, debout sur une chaise, un mètre rouleau de couturière, mère et grand-mère affairées.
Mesurer quoi, dans ma petite tête de gamin de 6 ans, évaluer si je suis grand, assez grand pour franchir le cap - sortir du cocon familial et du monde enfantin.
Essayer. Il a fallu plusieurs fois essayer. Enfiler sans la casser la blouse de tissu noir que ma mère avait décidé de confectionner, sans me piquer non plus, elle était montée avec des épingles, surpiquée disaient-elles.
Pincer aux épaules, laisser suffisamment d'espace pour les emmanchures, ajuster les manches et essayer encore. 
Fermer cette blouse, au départ je croyais qu'elle se fermerait devant, mais il m'a fallu accepter qu'elle se boutonnerait à l'arrière, comme les filles - c'était obligé, le patron était comme ça. 
Je n'avais jamais vu un garçon boutonner un vêtement dans son dos, même monsieur le curé avait une soutane fermée d'une multitude de boutons à l'avant.
Accepter, il me fallait accepter, pour être grand, comme les autres, ma mère ne faisait qu'habiller son fils comme les garçons de son âge.
La blouse noire, d'entrée à l'école primaire, que de dilemmes elle a soulevés.
Ma mère a proposé le surpiqué de blanc pour toutes les coutures, aux manches, et j'ai négocié le plastron, un carré en double ligne censé mettre en évidence ma poitrine, en tout cas ma différence avec les filles.
Ainsi la blouse noire à plastron surpiqué de blanc a été le costume de mon passage dans le monde codifié des grands.
Le jour de la rentrée, mes copains avaient des blouses grises, des sarraus bleus, mais pas de blouses noires, mère et grand-mère étaient restées une génération en arrière.

Le Chapelin

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